La Voix et la Sibylle

Seul en scène de Didier Monge
Première le mercredi 23 juin 2021 à Malérargues, pendant le Festival Mythe et Théâtre

Mise en scène : Linda Wise
Aide à la création : Hélène Larrodé
Oeil extérieur : Enrique Pardo
Textes empruntés à  : Louise Garcia-joly – Adélaïde Bon – Waris Dirie – Paola Daniele – Rupi Kaur – Kate Bush – Iron and Wine

La Sibylle

faisait des prophéties et donnait des divinations dans son antre. Elle était la Voix des Dieux, leur porte-parole. Ces Oracles ont fini par déranger les « Pères de l’église » qui l’ont fait taire… comme plus tard ils brûleront les sorcières et effaceront toute cette connaissance transmise par les femmes »
L’Histoire de la Sibylle de Cumes m’a troublée et j’ai voulu dans cette performance lui redonner sa Voix en lui prêtant la mienne.

De quoi parlerait-elle si nous pouvions la consulter aujourd’hui ? A travers des écrits de femmes, je lui donne l’occasion de reprendre la parole.

Sur scène des images défilent, à droite un laboratoire, à gauche un oratoire, pour que l’alchimie opère le spectateur doit accepter d’entendre ces textes racontant des violences entrecoupés d’improvisations vocales et de chansons. La Voix ira même jusqu’à se glisser dans la robe de la Sibylle pour parler du sang menstruel, seul sang non issu de violence.

Cette performance est gratuite et n’est faite que pour générer une prise de conscience et des débats à propos des violences faites aux femmes.

 

"A travers elle, je prends le temps de dire et de chanter la tristesse au fond de moi, de ces femmes et de ces enfants morts en dedans, du temps qui passe, de l'enfant dont je n'accoucherai pas, de l'enfant que je veux rester, de la beauté des ombres et de la lumière qui m'accompagnent... "

La Sibylle selon Didier Monge

Enrique Pardo

Didier Monge nous fait découvrir deux voix exceptionnelles. La sienne, d’abord, magnifique de lyrisme et d’amplitude, glissant de l’angélique au sépulcral, a capella ou subtilement amplifiée à travers des filtres électroniques. La deuxième voix, légendaire, c’est celle de la Sybille de Cumes, à qui Didier Monge, « donne sa voix », faisant ainsi un acte politique très fort. Il reprend le tout premier décret du Christianisme lorsqu’il prit le pouvoir à Rome : « Faites taire la voix de la Sibylle » et implicitement, la voix des femmes. L’historien et musicologue anglais, Steven Connor, soutient que ce sont les légendes de cette répression-là qui sont revenues hanter et inspirer Schoenberg et les ruptures de la musique dite contemporaine.

Il y a, dans le propos de Didier Monge, une grande justesse et une grande justice; il y a de la rage, parfois déchirante, mais pondérée par des mélancolies chantées et des rêveries visuelles, très belles et, j’ajouterais, nécessaires : la performance a comme fond panoramique des projections d’images et de vidéos de paysages océaniques qui enveloppent et dissolvent sa présence solitaire sur scène, accompagnée, souvent, de son ombre portée sur le fond des images. Tous les équilibres sont très bien dosés, entre musique et visuel, entre paroles, échos et silences. Jamais le discours politique ne devient agressif envers le public (souvent le péché de spectacles militants) ou didactique. On peut d’ailleurs passer à côté du propos, et de la Sibylle, comme une belle promenade entre la mer et le cimetière de ces voix féminines. On peut d’ailleurs visiter un site dit l’Antre de la Sibylle, à Cumes, près de Naples, et comprendre la part des échos aléatoires et des dissonnances dans la musique sybilline, et avec le bruit des vagues au pied de la colline.

Compliments à Linda Wise pour la limpidité et l’élégance de la mise en scène, mais surtout pour la direction d’acteur et pour les équilibres entre discours, musique et émotion. Compliments à Didier Monge, photographe, vidéaste et virtuose du one-man technique sur scène.

Enrique Pardo, performer, metteur en scène, essayiste. Co-directeur de Panthéâtre avec Linda Wise

son blog :  https://enriquepanblog.wordpress.com/ 

Site de Pantheatre :  pantheatre.com

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